Je pourrais me définir comme quelqu’un qui aurait vécu la Shoah 60 ans après mais qu’on aurait laissé seul avec ses bourreaux dans son camp de concentration après avoir libéré tous les autres…
Je pourrais aussi me voir comme une victime du 11 septembre qui n’aurait jamais connu le repos éternel qu’offre la mort…
C’est en effet arrivé en septembre 2001, alors que mes collègues enseignants reprenaient le travail, moi j’avais perdu mon poste, mon salaire, ma vie d’avant. Je n’existais plus professionnellement, financièrement, socialement, mon suicide semblait inéluctable.
Que s’était il passé ?
Je me le demande encore et je ne cesserais je crois de me le demander tout le temps qu’il me reste à vivre : Tout ce que je vis désormais est hanté par cette expérience passée. Comment mettre du sens sur ce qui n’en a pas ? Comment mettre des mots sur ce qui est justement au-delà de ceux-ci ? L’au-delà, c’est ce que je désirais atteindre et j’ai été plongé dans la réalité la plus crue, la triste matérialité s’était imposée cruellement à moi.
Mais quel message voulait elle me faire passer ?
Même la mort n’offrait pas de réponse à ma souffrance en ce sens que la mort n’était pas je crois le seul but recherché par mes bourreaux ou plutôt elle ne leur suffisait pas, elle s’imposait logiquement mais elle ne semblait pas le but premier. C’était plutôt une souffrance infinie résultat de la haine infinie qu’ils me portaient. Ils se sont soulagés mais moi je restais là, rempli d’une souffrance qu’il fallait fatalement que quelqu’un porte.
J’ai parfois essayé de pardonner à mes bourreaux, au moins pour leur enlever cette toute puissance qu’ils avaient sur moi, ou alors pour ne plus désespérer de l’espèce humaine…J’en ai voulu alors à moi-même, puis à Dieu et dans une rage infinie j’ai ingurgité de la soude caustique qui m’a presque soulagé puisque la souffrance physique prenait le temps d’un instant la place de ma douleur morale, incommensurable…
J’ai été terrassé de voir la jouissance que leurs inspiraient ma déchéance… Que leur avais-je fait ? De quoi étais je coupable ?
Ils avaient presque réussis à me convaincre que c’était là ma destinée, même que je rendais service à l’humanité en renonçant ainsi à tous mes privilèges. Je suis alors allé jusqu’au bout de cette logique en tentant de me soustraire à cette humanité qui semblait me rejeter.
Après Trois mois d’hospitalisation, j’ai compris que le choix de la mort volontaire affectait encore plus l’humanité que tout autre sacrifice.
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vendredi, février 18, 2005
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